Pas de droit à congés durant la maladie dite ordinaire ou non professionnelle.

Selon l’article 7 § 1 de la directive Européenne 2003/88 du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins 4 semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

 

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a eu a interpréter à plusieurs reprises cet article 7 de la Directive.

 

Ainsi, la CJUE avait confirmé, dans son arrêt du 24 janvier 2012, aff. C-282/10, Maribel Dominguez c/ Centre informatique du Centre-Ouest Atlantique, Préfet de la Région Centre), que l’article 7 ne faisait aucune distinction entre les salariés absents en raison d’un congé de maladie pendant la période de référence et ceux qui ont effectivement travaillé pendant cette période.

 

La Cour de justice de l’union Européenne en avait déduit que les salariés qui se trouvaient en congé de maladie dûment prescrit, avaient donc droit au congé annuel payé d’au moins 4 semaines

 

La CJUE avait également jugé que, si les Etats membres pouvaient prévoir une durée de congé annuel payé différente selon l’origine de la maladie, ils ne pouvaient le faire que pour prévoir une durée plus avantageuse pour le salarié (égale ou supérieure à la durée de 4 semaines prévue par la directive) et non pour réduire ce droit.

 

Dans sa décision, la CJUE avait aussi considéré que si les États membres pouvaient définir les conditions d’exercice et de mise en œuvre du congé annuel payé, les Etats ne sauraient subordonner à quelque condition que ce soit sa constitution et exclure la naissance même de ce droit accordé expressément à tous les travailleurs.

La chambre sociale de la Cour de Cassation vient de rendre un arrêt excluant le congé maladie ordinaire c’est à dire non consécutif d’une maladie professionnelle, du bénéfice du congé durant cette période de suspension du contrat au visa de l’article L. 3141-5 du code du travail.

 

Au cas de l’espèce, le salarié, ouvrier agricole, avait été victime d’un accident du travail et licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

 

Il avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes et notamment d’une demande de rappel de congés payés pour une période pendant laquelle il avait été en arrêt de travail, cet arrêt n’étant pas consécutif d’une maladie d’origine professionnelle ou d’un accident du travail.

La Cour d’appel d’Aix en Provence avait interprété strictement l’article L. 3141-5 du code du travail et débouté le salarié.

Pour les juges du fond, cet article assimile à un temps de travail effectif et donc ouvrant droit à congés payés, la période de suspension du contrat de travail suite à un accident du travail et un arrêt consécutif à une maladie professionnelle (dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an).

 

Mais tel n’est pas le cas, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, de la période de suspension pour maladie d’origine non professionnelle.
Le salarié soutenait devant la Haute Cour, que la Cour d’appel ne pouvait pas subordonner à quelque condition que ce soit (cas non énuméré par l’article L 3141-5 du code précité) la constitution même de ce droit à congés, puisque ce droit résultait directement de la directive européenne de 2003.

 

Une telle interprétation étant selon lemoyen présenté au pourvoi par le salarié, contraire à l’article 7 § 1 de la directive, tel qu’interprété par la CJUE et il soutenait donc que selon la jurisprudence de la CJUE, son absence pour maladie « ordinaire » devait générer aussi un droit à congé payé et à une indemnité puisque son contrat avait été rompu.

La Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié.

 

Pour la Haute Cour, dans le cadre d’un litige entre particuliers (employeur et salarié) la directive n°2003/88 du 4 novembre 2003 ne permet pas d’écarter les effets d’une disposition de droit national contraire.

 

Un salarié ne pouvant pas prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas des cas expressément énumérés par l’article L. 3141-5 du code du travail.

 

Reste une action possible pour le salarié, agir en responsabilité contre l’Etat en application de la jurisprudence de la CJUE (19 novembre 2001, affaire C-6/90 et C 9/90, Francovich) pour tenter d’obtenir réparation du dommage subit du fait de la non transposition de la directive sur le droit au congés annuel payé dans le droit national.

L’obligation de réparation de l’État ayant lieu indépendamment de l’effet direct de la directive, même si les dispositions qui confèrent des droits aux particuliers ne sont pas assez précises et inconditionnelles pour être directement invoquées, le particulier est considéré comme lésé par l’inexécution de l’État.

En résumé, sauf si des dispositions conventionnelles le prévoient, la période de suspension du contrat de travail pour maladie « ordinaire, c’est à dire celle qui n’est pas d’origine professionnelle, ne donne pas droit pour le salarié  à des droits à congés payés, du moins tant que ce droit issu de la directive européenne n’aura pas été transposée dans le droit français.

 

Cassation, sociale, 13 mars 2013, n° 11-22285